Marius Bonnelle


Avant propos

Automne 1916, maison Emile Pineau 
Limoges Sur fond de tentures mauve, de faux décors et de lumière artificielle, un jeune homme fixe l'objectif du haut de ses vingt deux ans.
Le regard clair, l'air fringuant et les bras croisés ; il prend la pose en uniforme, uniforme comme nous n'en voyons plus de nos jours, uniforme étriqué du siècle dernier. Ce jeune soldat, c'est mon grand-père maternel, Marius Bonnelle.
Sur le col de sa vareuse sombre se détache par sa clarté un nombre à deux chiffres, 63, six et trois. 
 

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Quand je regarde cette photo je ne peux m'empêcher de sourire car ce que j'aperçois maintenant, de l'autre côté des couleurs sépia la transcende. J'entrevois des hommes ; ils chantent, ils marchent, ils se plaignent, ils courent, ils pleurent, ils crient, ils souffrent, ils se dépassent, ils se rebellent, ils se sacrifient.
J'imagine des lieux perdus numérotés et des noms de villages difficiles à situer sur la carte, des champs de blé mûrs, des trous de terre grasse, des collines enneigées et des paysages lunaires. Je devine la peur et le courage, la vie et la mort, la haine et l'amitié, le sang et la sueur, les larmes et l'espoir.
La découverte du Marius Bonnelle de cette époque là, a été pour moi une véritable révélation car elle me semblait sans commune mesure avec l'image de ce pépé tranquille, mangeant sa soupe les yeux doux et l'air serein que j'ai connu dans mon enfance.
Un pépé qui avait vu tomber au champ d'honneur la plupart de ses camarades, un pépé qui avait gagné une croix de guerre avec citations, un pépé qui était revenu physiquement intact de l'enfer. Ce pépé là pouvait effectivement manger sa soupe les yeux doux et l'air serein, désormais il connaissait le poids de la mort et le prix de la vie.